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Chapitre 2 - Partie 2

  • Photo du rédacteur: Blandine R-da
    Blandine R-da
  • 23 juin 2023
  • 14 min de lecture


Les Yolkal (suite)


En cette même fin d’après-midi, à Menstorre, Iris était en train d’étendre de larges couvertures quand elle vit passer un rat à ses pieds. Le museau pointu et les pattes arquées, le rongeur était aussi gros qu’un écureuil. C’est en hurlant de terreur qu’elle retourna s’enfermer à l’intérieur de la maison. Un rat, ici ? Etrange. Pour sûr, c’est la faute du chat. Mais Iris, sans prendre en considération l’incident plus longtemps, se remit à ses tâches ménagères.

Lorsque son époux revint de sa journée de travail et qu’un plat bien chaud campait sur la table, un évènement plus suspect encore surgit :

_ Iris, as-tu vu le chat aujourd’hui ?

_ Non, je crois qu’il chasse, pourquoi ?

_ Regarde ça, dit-il en pointant son pouce vers la rue.

Iris s’approcha de la porte d’entrée lorsqu’elle aperçut, horrifiée, le cadavre d’un rat. Son corps gris, mélangés à la boue, était tailladé au niveau de l’estomac.

_ Il y en a un autre là-bas, dit son mari en montrant l’angle de la rue.

En se rendant sur les lieux du deuxième crime, Iris lui raconta l’histoire du rat qu’elle avait vu plus tôt dans la journée.

_ Tu crois que c’est l’œuvre du chat, Boris ?

_ Je crois bien, mais trois rats dans la même journée, on n’a jamais vu ça, surtout dans cette rue, répondit-il en se frottant le menton. C’est alors qu’une voisine sortie pour participer à la conversation : « qu’est-ce qu’il se passe ? ». Le couple expliqua les faits quand une autre, plus âgée, arriva à leur niveau. En quelques minutes tout le voisinage avait rappliqué pour discuter du phénomène.

_ Ça s’est encore de la faute de votre chat ! accusa la vieille dame, il ramène tous les rats du quartier.

_ C’est impossible, se défendit Boris.

_ Où est Gunter ? Normalement c’est le premier à regarder par sa fenêtre, dit une voisine.

_ Il doit encore faire vivre un enfer à sa fille, répliqua une autre.

La conversation se poursuivit entre les voisins qui, chacun leur tour, émirent des hypothèses plus rocambolesques les unes que les autres au sujet de ces nouveaux visiteurs.



***


Plus le temps passait plus il devenait difficile d’évoluer dans la végétation qui se faisait plus dense. Un dégradé de vert se dessinait sur d’immenses feuilles et des lianes commençaient à sortir de nulle part. Dans cet ensemble touffu se répartissaient des fleurs de toutes les couleurs sur lesquelles perlaient des gouttes d’eau. Au travers des branches, les derniers rayons du soleil fusaient et de petits oiseaux émettaient leur chant. S’y frayer un chemin était d’autant plus ardu qu’Ilse ne pouvait s’empêcher de s’arrêter pour observer les plantes qu’elle sentait et caressait, ce qui avait pour effet de désespérer profondément Odward.

_ Regarde celle-là ! Qu’elle est belle ! J’adore cette couleur, s’extasia-t-elle en montrant une fleur aux pétales magenta. Et celle-ci, qu’est-ce qu’elle sent bon ! poursuivit-elle. Mais d’un coup, un autre sens se mit en éveille, et en levant les yeux elle eut l’impression de voir des feuilles bouger.

_ Tu peux arrêter s’il te plait. Ce ne sont que des fleurs, dit froidement Odward. Elle est insupportable !

Alors qu’Ilse découvrait le monde pour la première fois de sa vie, le jeune homme, sur ses gardes, avait déjà dégainer ses faucilles et repris les yeux du reptile. Au fur et à mesure que le soleil se couchait, Ilse avait cessé de s’émerveiller à force de se prendre des branches en plein visage. De plus, elle avait la désagréable sensation de rapetisser dans cette gigantesque forêt où la neige et la végétation régnaient en maître. Quand la nuit fut tombée, elle commençait à vraiment avoir faim et soif à la différence du jeune homme qui lui pressait le pas.

_ Comment le convoi a-t-il pu se frayer un chemin dans cette forêt ? demanda-t-elle sans cacher son énervement.

_ Il est passé plus à l’ouest pour arriver à la zone marchande, dit Odward, le bras tendu vers la gauche.

_ Quand est-ce qu’on arrive ?

_ Chut !

_ Ne me dis pas « chut » !

_ CHUT ! insista Odward.

_ Qu’est-ce qu’il y a ?!

_ Regarde, chuchota-t-il en montrant du doigt. Au travers du feuillage, ils devinèrent l’ombre de trois hommes assis autour d’un feu. Odward fit signe à Ilse de s’approcher. Alors discrètement, ils se glissèrent entre les branches pour écouter la conversation des individus. Tous portaient l’armure noire, typique des Mensvaccum. Installés dans la neige, l’un s’occupait d’entretenir le feu alors que les deux autres préparaient la cuisson d’un volatile au plumage bleu et rouge.

_ T’as pas entendu du bruit ? dit l’un d’eux en se levant pour évaluer les alentours.

_ Détends-toi, il n’y a personne ici. Peut-être des olkames qui chassent.

Odward attrapa le bras d’Ilse pour l’inviter à s’accroupir. La jeune femme posa alors sa main dans la terre pour se maintenir en équilibre quand une tension électrique la traversa. C’est étrange, pensa-t-elle. Etrange mais pas désagréable. Le contraste entre la chaleur de la main d’Odward et l’humidité du sol finit par la faire frissonner. Elle ne put s’empêcher de regarder le profil du jeune homme et découvrit, pour la première fois, ses traits rigides et le détail de sa bouche pulpeuse.

_ Tu as faim ? lui murmura-t-il, mais elle n’eut pas le temps de se ressaisir qu’Odward avait déjà sauté par-dessus les feuilles. Pris par surprise, les Mensvaccum dégainèrent leur épée. Un combat s’engagea alors entre les quatre hommes. Odward semblait voler comme un aigle autour des combattants qui tentaient de l’atteindre. Il maniait ses faucilles avec tant de rapidité qu’elles avaient l’air invisibles. Face à ce vacarme métallique, Ilse n’osait bouger de peur de devoir participer à la lutte. Entre temps, Odward réussissait à frapper ses adversaires les uns après les autres. Quand le dernier Mensvaccum se rua sur lui, il se lança en avant et dérapa, allongé dans la neige, pour glisser entre les jambes de l’autre et lui assener un coup fatal dans le dos. Le silence retomba au moment où l’homme s’effondra sur le sol. En faisant tourner les faucilles dans chacune de ses paumes pour les remettre en place, il se tourna vers l’endroit où était cachée Ilse.

_ C’est bon tu peux venir.

_ Tu es sûr ? dit-elle en sortant maladroitement de sa cachette.

_ Mais oui, allez viens, il y a du perroquet et du vin.

_ Alors comme ça c’est moi la meurtrière ?

_ Après ma façon de parler, tu vas juger ma façon de faire ?

_ Tu réponds toujours aux questions par des questions ?

_ C’est très amusant ce petit jeu, j’aime beaucoup. Ce n’est pas en leur envoyant des fleurs qu’on allait pouvoir manger.

Ilse allait répliquer avant de se dire : ne dis rien de plus sinon il va t’interdire de manger. Elle s’assis prêt d’Odward qui avait déjà repris la cuisson de l’oiseau. Lors d’un instant, Ilse eut de nouveau l’impression d’entendre un bruit au loin.

_ Tu as entendu ça ?

_ Quoi ?

_ … non rien, laisse tomber.

Après avoir profité de la dégustation du vin et du perroquet, enrichie du dernier pain qu’Ilse avait tiré de son sac, ils purent tous deux s’assoupir, la végétation comme seul confort. Les étoiles faisaient étinceler l’air glacial de la nuit et les grands arbres projetaient leur ombre. Ilse repensa à tout ce qui s’était passé depuis qu’elle avait assisté à la célébration d’Esfalt et eut peine à y croire. Si un jour on lui avait dit qu’elle tuerait son père et qu’elle découvrirait une autre terre que celle de Menstorre, elle aurait sans doute rigolé (jaune) au nez de son interlocuteur. Sur cette pensée, elle s’endormit d’un sommeil agité.


***

A Menstorre, les voisins était retourné aux occupations de leur demeure après s’être débarrassés des cadavres qui jonchaient la rue.

La nuit tombante, Iris et Boris se mirent à table avec les enfants. Les assiettes se vidaient au gré de leur appétit quand, au moment du dessert, ils entendirent des couinements aigus, puis, des grattements. Le couple échangea alors un regard inquiet.

_ Boris ne me dit pas que c’est…

_ Chut !

Boris se leva discrètement de sa chaise et marcha à petits pas vers l’entrée. Quand il fut sorti, une vision d’horreur lui sauta au visage. Un attroupement de poils gris grouillait, grattant avec dents et pattes la porte en bois de la maison d’en face. Progressivement, les voisins les plus courageux s’agroupèrent à nouveau dans la rue.

_ C’est bien la maison des Furis ?

_ Il me semble que oui.

_ Gunter ! Gunter ! Monsieur Furis ! se mit à crier l’un des habitants. Il n’y a personne.

_ Et sa fille ? Où est-elle ?

_ Poussez-vous de là ! ordonna un autre en reculant avant de s’élancer pour défoncer la porte d’entrée. Encore plus terrifiés, les voisins découvrirent le cadavre de Gunter Furis, étendu sur le sol dans une mare de sang. Une demi-douzaine de rats, ainsi qu’un amas d’asticots, trainaient sur son corps, se délectant du repas qu’il leur offrait. Des « Au nom d’Esfalt ! » s’échappèrent alors de la foule, ainsi que des « il faut prévenir quelqu’un ! ».

En début de soirée, la Brigade Magirius arriva sur place pour constater le crime. Puis, la vieille dame ne put s’empêcher de leur dire : « c’est sa fille, c’est forcément sa fille, Ilse ».


***

Ilse avait eu du mal à supporter la dureté du sol et ses rêves n’avaient pas arrêté de fuser dans sa tête. Se réveillant alors en sursaut, elle s’écria : « le manteau de mon père ! ». Elle se leva d’un bond et commença à chercher dans les alentours.

_ Où est-il ?! Odward aide moi à le trouver. Pas de réponse. Non ! Je l’ai laissé dans le convoi ! Odward, j’ai… Elle s’interrompit lorsqu’elle s’aperçut qu’il n’était même pas là, qu’il avait disparu.

_ Encore ! La prochaine fois que je le vois, je le tue !

Il l’avait laissé tomber. Dans un état de rage, elle réfléchit à toute vitesse : pas question de rester là ! Elle commença à réunir ses affaires et balança de la neige dans les braises pour éteindre le feu de la veille. Elle fit un tour sur elle-même et prit la décision d’avancer vers le nord.


Dans le clair-obscur de la matinée, Ilse tentait de se défendre face aux extraordinaires feuillages qui lui barraient la route. De même, les plaques de glace l’obligeaient à rester sur ses gardes pour ne pas glisser. Epuisée, elle finit par s’assoir sur un rocher. Je suis définitivement perdue. Si seulement j’étais avec … Non, ne prononce pas son nom ! Avec ces arbres immenses, je ne peux même pas apercevoir l’ombre d’un horizon. Je n’ai même plus de quoi manger. Elle sortit le médaillon logé sous sa cape et le fit tourner entre ses doigts. Allez Ilse, tu ne peux pas mourir là ! Avec une fragile détermination, elle se remit debout et rangea le médaillon. Elle avançait, autant qu’elle le pouvait, quand elle vit au loin une fougère bouger. Elle n’y prêta pas attention. Cependant, plus tard, la même vision s’empara d’elle. « Odward ! » cria-t-elle. Aucune réponse. Elle poursuivit sa route en accélérant le pas.


Une douceur ambiante indiquait l’après-midi quand la jeune femme s’effondra au pied d’un arbre. Je n’en peux plus ! Des sanglots commencèrent à émerger jusqu’à ce qu’elle fonde entièrement en larme et s’écroule sur le sol. Au rythme de ses pleurs, ses pensées sombrèrent progressivement vers le désespoir. N’était-ce pas ce qu’elle méritait ? N’était-ce pas là la punition que lui affligeait Esfalt ? Ilse sentit alors comme un petit chatouillis au bout de son nez. « Hum ! » La petite pression se renouvela. « Quoi ?! » s’exclama-t-elle en se relevant. Quand Ilse rouvrit les yeux, elle aperçut un animal vert émeraude. Le petit être, à moitié lézard, avait une expression candide et mièvre qui lui retirait toute agressivité.

_ Oh mais tu es mignon toi ! dit Ilse en le prenant dans ses mains. Elle caressa la crête qu’il portait sur le dos et l’animal donna un petit coup de tête pour lui répondre.

_ Mais c’est toi qui nous as suivi. Je t’ai entendu à l’entrée de la forêt et je t’ai vu tout à l’heure. Le petit lézard fixa son regard dans celui d’Ilse puis se mit à sautiller. Il bondit alors sur une des feuilles et commença à gambader de l’une à l’autre.

_ Attends ! Dans la précipitation, la jeune femme se releva et se débattu pour ne pas perdre sa trace.

_ Attends tu vas trop vite ! dit-elle dans sa course.

Quelques minutes plus tard, la forme verte était posée sur un rocher. Ilse s’arrêta pour reprendre son souffle mais au moment où elle se redressa, elle sentit comme une vague d’extase l’envahir, au point d’en rester bouche bée. Arrivée en haut d’une colline, au seuil de la forêt, un spectacle des plus surprenants s’étendait devant elle. Des boules cotonneuses noires tapissaient le sol. De petites mains, vêtus d’un pantalon blanc au multiple motifs colorés et d’une veste en cuir, fourmillaient pour y récolter le duvet. D’autres, en revanche, portaient l’uniforme MV et un masque en tissu noir pour protéger l’ensemble du visage. Ils donnaient les ordres, menaçant d’utiliser une sorte de bâton cuivré.

Le plus sensationnel n’était pas tant les bourrasques d’une cascade qui venait mourir dans un ruisseau, mais plutôt les hautes tours, faites de béton et de tôle qui longeaient les champs.

L’animal se remit à sautiller sur son rocher pour capter l’attention d’Ilse.

_ Merci, tu as réussi à me sortir de là, dit-elle en caressa la crête qu’il avait sur la tête. Il émit alors un son ressemblant à un croassement croisé d’un ronronnement. La jeune femme allait partir quand elle sentit de petites pattes grimper sur son épaule.

_ Eh bien tu veux rester avec moi ? il fit basculer la queue d’avant en arrière pour la cajoler.

_ D’accord. Mais je vais devoir te trouver un nom, conclut-elle avant de descendre la colline.


***


A plusieurs kilomètres de là, l’Archimagirius faisait les cents pas dans son bureau : qui était cet individu qui s’était introduit dans l’Archimagiment ? Était-ce un Mensvaccum ? Si c’est le cas, il n’y a rien à craindre, il n’a pas pu aller très loin. En revanche, si celui-ci avait un lien avec l’aigle aperçu lors de la célébration d’Esfalt… ça ne pourrait être qu’un Yolk… Ce qui voudrait dire que l’ennemi commence à avoir des doutes. Et s’il était entré ici, dans mon bureau, aurait-il pu trouver la boite ? Non, c’est impossible, moi seul sait où elle se trouve. Puis il n’aurait jamais pu l’ouvrir sans la clé. La clé ! L’Archimagirius tâtonna à l’intérieur de sa poche. Non, c’est bon elle est là. La boite aussi. Il est fort improbable qu’il ait pu découvrir ce qu’elle contenait. Mais si c’est le cas, tout mon plan est en péril. Il va falloir agir plus vite que je ne le pensais. Il sortit de ses pensées quand le cadre s’ouvrit :

_ Vous travaillez encore mon chéri, dit alors une grande dame à la cape vert sapin.

_ Je t’ai déjà dit de ne venir dans mon bureau que si je t’y autorise Honorée, répondit-il d’un ton malsain qui intimida la nouvelle venue.

_ Bien, je vous laisse à vos occupations.

_ Non, attends. Sers-moi du vin.

Honorée se dirigea vers le secrétaire pour verser dans un verre de cristal un liquide couleur prune.

_ Voilà, votre Honneur, dit-elle en lui tendant le verre. Mais l’Archimagirius en l’attrapant, le laissa tomber sur le sol où se déversa le vin, formant une large tache sanguine.

_ Idiote ! s’exclama-t-il avant de l’attraper par les cheveux pour la bousculer.

_ Je suis désolée votre Honneur, commença-t-elle à geindre.

_ Trouve le moyen de me nettoyer ça !

_ A vos ordres votre Honneur, s’exclama-t-elle en se relevant péniblement.

_ Et va me chercher le petit Elis, j’aimerais le féliciter pour sa prestation de chant lors de la cérémonie.

Ces derniers mots agirent sur Honorée comme une claque.

_ Oui votre Honneur, dit-elle dans un souffle avant de sortir.


Plus tard, quand on frappa à la porte du cadre, l’Archimagirius fut à nouveau perturbé dans le court de ses pensées. « Entrez !». Cette fois, il s’agissait d’Aténon, le chef de la Brigade Magirius.

_ Que se passe-t-il Aténon ? J’espère pour toi que tu as une bonne raison de me déranger.

_ L’ex-magirius, Gunter Furis, a été retrouvé mort, votre Honneur.

_ Et alors ?

_ Il a été assassiné, votre Honneur.

_ Assassiné tu dis !

_ Oui votre Honneur, assassiné. On soupçonne sa fille, elle a disparu. Ses affaires ne sont plus là.

_ Ah oui ? Comment ?

_ Egorgé votre Honneur. Nous essayons de la retrouver, le crime doit dater de la veille au vu de l’état du cadavre.

_ Gunter Furis … n’était-ce pas sa fille que tu devais épouser ?

_ Si votre Honneur.

_ Quel bon choix as-tu fais là Aténon !

_ C’était son cul, votre Honneur, et le statut de son père.

_ Son cul ?

_ Oui votre Honneur.

_ Retrouve-moi cette salope et vite ! Elle n’échappera pas à la sentence d’Esfalt.

_ A vos ordres votre Honneur.

Aténon sortit par l’ouverture du cadre avant de le refermer sur lui. L’Archimagirius se remit à faire les cents pas dans son bureau : elle n’a pas dû aller très loin la garce. Assassiner son propre père ! Honorée ne doit pas le savoir, c’est crucial ! Un ennemi dans l’Archimagiment et maintenant un meurtre, quelque chose se trame… On frappa à nouveau contre le cadre : ils ont cru que c’était un moulin ici ou quoi ?! « Entrez ! ».

_ Voici le jeune Elis, votre Honneur, vous l’avez fait demander, dit une esclave Yolkal.

_ Laissez-nous. Puis elle ressortit en étant pleinement consciente de ce que cela représentait de laisser l’Archimagirius et l’enfant seuls dans le bureau.


***


« Et c’est à ce moment-là que j’ai attrapé le couteau et que j’ai tranché la gorge de mon père. Après quoi, je me suis enfuie de Menstorre et je me retrouve ici, avec toi. Effrayant non ? ». Le soleil se couchait quand Ilse eut fini de raconter son histoire au petit animal vert, toujours stationné sur son épaule. Les deux nouveaux amis déambulaient parmi le champ de boules noires, tentant de ne croiser ni les gardes ni les esclaves. Ilse faisait donc en sorte de poursuivre sa trajectoire vers l’extérieur du champ tout en tachant de ne pas perdre de vue les tours bétonnées. En effet, elle avait rapidement estimé que ces dernières lui offriraient certainement un abri pour la nuit. Même le petit animal avait gratté ses longs cheveux pour approuver la décision quand elle lui avait demandé son avis.

« A quoi peuvent bien servir ces boules noires ? En tout cas ça à l’air doux, tu ne trouves pas ? ». Ilse avait décidé de ne pas prendre le risque de les toucher après avoir conclu que l’utilité des masques que portaient les Mensvaccum devaient avoir un lien avec ces fleurs. Mais au moment où Ilse voulut poursuivre sur sa droite pour ne pas perdre sa route, elle dut se cacher dans le champ pour ne pas se faire repérer par un Yolkal qui récupérait la matière. Elle se mit encore plus en retrait quand un Mensvaccum apparut dans l’allée et s’approcha de l’homme habillé de cuir et de motifs colorés.

_ Tu en as laissé tomber Yolkal ! prononça agressivement le garde. Ce dernier leva son bâton à l’embout cuivré pour le frapper sans s’arrêter. Ilse, toujours recroquevillée sur elle-même attendit que les coups finissent de tomber et que les hurlements cessent pour se redresser. Elle observa la scène, cachée entre les boules noires. Le Mensvaccum s’éloigna en menaçant une dernière fois le Yolkal : « dépêche-toi si tu ne veux pas passer la nuit dans la forêt ! ». L’esclave était toujours allongé dans la boue que formait le mélange de terre et de neige. La jeune femme sortit de son allée pour rejoindre l’homme en souffrance. Elle se pencha alors sur lui pour évaluer son mauvais état. Quand il ouvrit péniblement les yeux, il vit le visage d’Ilse, illuminé par les derniers rayons du soleil.

_ Un ange ? Vous êtes un ange ?

_ Non monsieur mais je vais vous aider.

_ Non. Ne restez pas là. Fuyez ! Vite ! S’ils vous voient, ils vous tueront !

_ Ça je le sais déjà. Dites-moi ce que je peux faire pour vous.

_ L’aveugle.

_ L’aveugle ?

_ L’aveugle, finit par dire le Yolkal avant de s’évanouir.

_ Monsieur ?

Pas de réponse. Ilse se mit alors à courir en reprenant le chemin qu’elle suivait quelques minutes auparavant. De l’aide, il faut trouver de l’aide. L’aveugle. C’est quoi l’aveugle ? La jeune femme avançait si vite que le petit lézard dut planter ses griffes dans sa cape pour ne pas s’envoler. Mais au bout de plusieurs mètres parcourus, Ilse glissa sur une plaque de verglas et s’étala de tout son long sur le sol. Même l’animal fit un vol plané et dérapa sur la glace Ce qui fut sa dernière vision car en se redressant, Ilse sentit le sifflement d’un mouvement derrière elle et un coup heurter violemment sa tête.



Blandine ROUX DE ALMEIDA




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Blandine Roux De Almeida

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